Imaginez… On est samedi matin, 9.00. Le ciel est bleu, le soleil brille. Il fait 12 degrés dehors avec une légère brise vivifiante. Vous êtes au pont d’Espagne, à Cauterets, dans les Pyrénées où vous vous apprêtez à faire un trail en mode course, partant de ce point-ci et pour aller jusqu’au refuge des Oulettes de Gaube. 700m de dénivelé positif sur 15 kms.
Et vous n’avez jamais fait ça.
Mais là, tout de suite, vous avez le smile. Toutes les conditions sont remplies pour que vous passiez un bon moment. En plus, vous êtes entre traileurs, des gens de votre niveau, des gens de niveau inférieur et des gens avec un niveau bien supérieur au vôtre qui tireront le groupe vers le haut pour que l’expérience soit entière. Vous partez. Petite foulée, vous vous êtes entrainés, vous savez que ça va être dur, mais l’ambiance est super.
Assez rapidement, les cuisses commencent à chauffer, ça grimpe. Au bout de 30 minutes, vous commencez sérieusement à douter de votre condition physique. Vous marchez souvent. Une baisse de moral se fait sacrément sentir. D’autant que, même si vous n’êtes pas dernier, il y a Pierre, avec qui vous vous êtes entrainé qui est parti loin devant. Il a tenu. Vous sentez un peu de colère en vous, vous faisant remarquer que peut-être la préparation n’était pas suffisante. Mais vous vous accrochez. Mais ça vous ennuie… Ah ça y est… un peu de plat, vous allez pouvoir récupérer. Vous admirez le paysage. Pas trop longtemps car ça avance devant, et il ne faut pas trop se faire distancer.
Le lac de Gaube, c’est vraiment trop beau… Par contre, le groupe, il avance vite… Et il reste encore la montée au refuge des Oulettes de Gaube. Et là, ce n’est pas la même histoire. Ça grimpe rude. Il faut pousser sur les cuisses, continuer de trottiner dans les faux plats montants et marcher sur les parties vraiment pentues. Vous connaissez le slogan des traileurs « si tu ne vois pas la fin de la côte, marche ». Vous transpirez à grosse gouttes. Vous commencez à en avoir un peu marre de ces défis stupides qu’on se lance entre traileurs. Et voilà que maintenant, il se met à pleuvoir !!!
Alors ça, ce n’était pas prévu. En plus de la fatigue, vient la peur de glisser et d’attraper froid. Mais pourquoi donc avez-vous dit oui à cette ascension bien trop dure pour vous ? Pour le challenge… La peur est là. Il faut la gérer. Vous la gérez. La colère est là, vous la gérez. La fatigue est là, vous la gérez… C’est bientôt fini. L’ascension est bientôt finie. Restera la descente. Mais ce sera après la pause au refuge. Elle sera pas mal celle-là. Une petite crêpe aux myrtilles… C’est ça… On projette une situation positive qui va bientôt arriver pour mieux se motiver.
Ca y est !!!! Vous êtes en haut. Fatigue mais dépaysement. Soulagement et retrouvailles avec les copains. Fierté d’avoir accompli un bel exploit sportif en attendant la redescente plus calme… Un véritable ascenseur émotionnel cette sortie.
Imaginez maintenant… Toulouse, centre-ville. Mardi matin 9.00. Vous sortez du métro et vous vous dirigez vers le bel immeuble en briques rouges. On n’appelle pas Toulouse la ville rose pour rien. Vous avez rendez-vous avec François. C’est le commercial de CUSTOM TECH, votre client. Ce rendez-vous est une belle négociation qui s’annonce pour un gros deal qui va vous permettre, à lui seul, de remplir un tiers de vos objectifs. François est un gars sympa. Vous avez noué une belle relation avec lui. Il a confiance en vous. Vous avez préparé votre négociation. Vous avez structuré l’ensemble du contexte autour de ce deal, vous avez identifié l’acteur de la partie adverse. Vous êtes content que ce soit lui et pas Nicolas, son supérieur hiérarchique, un homme peu scrupuleux, agressif en négociation et qui vous a déjà menacé verbalement. Vous entrez dans le bâtiment. Vous passez à la réception, laissez votre carte d’identité en donnant à la dame de l’accueil le nom de François pour qu’il vienne vous chercher. C’est Fanny qui vient vous chercher. C’est l’assistante de Nicolas. Elle gère l’agenda de l’équipe. Vous n’êtes donc pas surpris qu’elle passe à la place de François qui doit vous attendre en salle de réunion. Fanny vous invite à entrer dans la salle Depardon, du nom du célèbre photographe.
Surprise… Vous êtes seul. Curieux tout de même… Vous préparez vos affaires, vous allumez votre ordinateur portable et reprenez quelques notes gardées dans votre sac au cas où. Votre mandat est bien défini, vous connaissez vos points d’entrée, vos points d’équilibre et vos points de refus pour chaque axe de discussion qui a été défini avec Claire, votre cheffe, Directrice commerciale chez SUPPLY PRO, votre société. Vous connaissez certains centres d’intérêts de François. Vous savez donc comment établir le contexte favorable au départ de la discussion.
Vous entendez des pas dans le couloir. La porte s’ouvre et Nicolas entre. Seul. Visage fermé.
- Bonjour, vous dit-il
- Bonjour.
- Alors, on signe aujourd’hui. Y’en a marre que ça traine. On a besoin de vos produits rapidement. Je pensais que François avait précisé l’urgence de la situation non ?
Vous êtes un peu décontenancé… Il attaque direct. Vous n’êtes pas habitué au conflit. Vous essayez même souvent de le fuir. Ici, ce n’est pas possible.
Nicolas reprend la parole :
- C’est quand même un truc de fou, votre société… J’espère que vous ne gérez pas vos délais de livraison comme vous gérez le timing de la signature d’un contrat. On va peut-être insister sur la clause pénale sinon.
- Ecoutez…
- Non c’est vous qui allez écouter. On s’est mis d’accord sur les conditions générales. On a vu avec nos juristes respectifs. On s’est un peu saigné d’ailleurs. La clause de responsabilité, merci… Mais bon, je ne vais pas revenir dessus. Restent les prix. Vous avez une nouvelle offre ?
Ca y est… La peur commence à vous nouer l’estomac. Les profils agressifs, vous les détestez. Nicolas, vous l’avez testé une fois. Vous vous étiez juré que l’on ne vous y reprendrait plus. Vous ne l’écoutez quasiment plus. La peur paralyse ou fait fuir. Vous ne pouvez pas fuir. Alors vous restez immobile. Et puis vous vous souvenez… Cette formation reçue il y a quelques mois. Maitriser sa peur, c’est accepter la réalité des faits. C’est également accepter son état émotionnel.
Ok. J’y suis… Je respire longuement. Je souffle. Je reprends mes esprits. Vous pensez à vos enfants : Léo et Clara que vous reverrez ce soir…
Ca va mieux… Ok… quoi faire maintenant ? Ah oui… Verbaliser les émotions de son interlocuteur. C’est gnangnan… Mais bon, vous n’avez que ça… Même si vous n’avez jamais fait, vous n’avez que ce dernier outil en tête… Vous vous lancez :
- Je comprends que vous soyez en colère.
- Bien sûr que je suis en colère. Ca n’avance pas. Rien n’avance.
- Je comprends. Je suis justement là pour que les choses avancent. Je suis un peu surpris que François ne soit pas là, car je lui avais envoyé les éléments avec lesquels je viens pour qu’il puisse préparer la réunion. Il n’a pas dû avoir le temps de vous les transmettre. Voici donc les nouveaux tarifs proposés…
- Ah ben quand même…
Je prends sur moi pour répondre à cette ultime attaque. Je crains sa réaction mais là, ça suffit…
- Ecoutez, vous êtes en colère, je le comprends. Maintenant, peut-on arrêter de se parler sur ce ton, sinon ça ne va pas avancer, et ce n’est pas acceptable. Je suis là avec de nombreux éléments pour que CUSTOM TECH et SUPPLY PRO continuent de faire des affaires ensemble.
- Ben voilà… là, ok, avec ces éléments-là, on va pouvoir discuter…
La mauvaise foi de cet homme vous étonnera toujours… Mais vous êtes arrivé à le calmer. Vous respirez mieux… Ca sert aussi à ça la verbalisation des émotions, le defusing…
Vous faites votre proposition tarifaire, et là, Nicolas semble surpris. Vous sentez même qu’il feint la surprise.
- Ce sont les nouveaux prix ça ?
- Oui. C’est la dernière proposition, basée sur les volumes que vous nous avez communiqués et selon les conditions logistiques qui ont été convenues avec votre département.
- Bizarre… Vous avez dû oublier de mettre François dans la boucle de ce truc car il ne m’a rien dit.
Curieusement, vous restez assez calme. Tant que ce n’est pas agressif, la mauvaise foi, vous savez la gérer.
- Hé bien écoutez, je vous propose de revenir vers moi, vous ou François dés qu’il sera de nouveau disponible.
- On va faire comme ça ouais… Je vais appeler Fanny, elle va vous raccompagner. Au revoir.
Il quitte la pièce sans un mot de plus et vous laisse seul, en plan. Le temps de ranger vos affaires, et Fanny arrive. Elle s’excuse au nom de François qui l’a averti pendant la réunion, qu’un de ses enfants était malade et qu’il n’a pas pu vous prévenir plus tôt.
Vous passez par l’accueil, récupérez votre carte d’identité et une fois dans la rue, vous appelez votre Claire pour lui raconter. Vous en profitez pour vous lâcher contre ce Nicolas, vraiment un type pas net et qui en plus n’avait rien préparé de sa réunion, n’avait aucun mandat pour discuter. Il était juste là pour le théâtre. Ces deux heures ont quand même été un véritable ascenseur émotionnel…
Dans une négo comme en course de fond, c’est votre capacité à gérer vos émotions qui vous permettront de surmonter une situation difficile. C’est également le débriefing de la négociation ou de la course qui vous permettra de capitaliser sur vos succès et sur les échecs que vous avez pu subir.
Chacune de ces deux histoires a fait vivre à son auteur des débordements émotionnels qu’il a fallu gérer. Cette gestion des émotions dégradées est indispensable pour maintenir la relation et arriver à l’objectif que vous vous êtes fixé. Comment cela fonctionne-t-il ?
Les explications techniques et scientifiques dans l’épisode 5…
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